LePaf aimerait se dissoudre dans la mousse chaude. Qu’y fonde un peu des maux de tête que les bières de la veille et trop peu de nuit ont laissé en dépôt.
L’après-midi est déjà bien avancée mais les différents dépôts d’enfants, courses faites, lessive lancée et intérieur briqué, frais, parfumé déculpabilisent le baigneur tardif.
Moqueuse de ce petit arrangement, une sonnerie vient rappeler qu’un bain tranquille est un bain qui se prend tôt.
Rien n’empêche de faire l’absent après tout. Bien souvent, quand derrière la porte un doigt insiste sur la sonnette, LePaf s’applique à maintenir silence et platitude d’eau dans son petit espace d’émail blanc. Et le doigt se lasse.
Comme le fâcheux du jour use du téléphone il devrait être plus facile encore de n’y pas faire attention mais quand le portable prend le relai du fixe puis le fixe reprenant ensuite c’est l’inquiétude qui monte et fait jaillir LePaf de l’eau dans une gerbe d’éclaboussures et de jurons auxquels répondent, comme toujours, les coups énervés du balai de monsieur Orgemou, ses conseils et ses reproches, tapis derrière les trop fins murs de placoplatre qui nous séparent peu.
Oui ?
L’inquiétude semble bien installée sur le visage DuPaf, confortable, là pour longtemps.
Rien à voir avec la qualité des nouvelles annoncées, plutôt bonnes, voire très, mais bien plus avec la tendance DuPaf à poser d’abord les complications dans la balance.
ChèreEpouse n’est pas là. Partie pour une de ces missions très importantes, très compliquées et très éloignées pour deux longues semaines.
Implication : pas de déplacement sans enfants, un verre d’eau parfait pour s’y noyer.
Puis, on charge un peu l’autre plateau :
C’est le premier boulot qu’on me propose depuis… ? Je ne sais même plus. Compter m’a déprimé depuis trop longtemps. Les finances le réclament, ChèreÉpouse ne me pardonnerait jamais d’avoir refusé.
Oui, bien sûr, je prends.
Au revoir. Oui, pour mardi, pas de problème.
Sur le petit carré de papier que fixe LePaf durant les cinq bonnes minutes qui suivent, sont griffonnés
Yvon Jezequiel
Spécialiste
Chemin du Trouz
29 Tremarcheg
Demain
19h30
Pas de téléphone
Le tout disposé en vrac et entouré de hachures non dépourvues d’ambition artistique visible aux yeux de l’auteur uniquement.
Du travail.
Depuis qu’il s’était exilé, superbe et orgueilleux, du travail salarié fait de collègues, machine à café et de chèques déjeuner, LePaf n’en a qu’épisodiquement retâté.
Il était parti en pensant vivre du clavier, de chez soi, à pondre des phrases que vendeur de papiers et d’écrans ne manqueraient pas de s’arracher.
Mais, soit qu’il ait surestimé les besoins en la matière, soit qu’il ait, à l’inverse, mésestimé la capacité des commanditaires à reconnaitre l’évidence de son talent, la frappe sèche et rythmée DuPaf sur l’Azerty ne ramenait que peu d’argent dans la cagnotte familiale. Un peu assez proche de rien.
A part Sténos, une agence de communication qui refourguait textes, photos ou vidéo à tout demandeur dans le besoin, une revue spécialisée dans la pêche en Bourbre ou un site d’information dédié à l’importance pour l’économie française des métiers du cuir, peaux et tannerie, les autres s’étaient spécialisés dans la commande unique et restaient fermes dans leur décision de ne pas donner suite quelles que larmoyantes ou surenjouées soient les relances Pafiennes.
Depuis la porte claquée sur son dernier open-space, il n’avait pratiqué à haute intensité que les activités de Père au Foyer.
Le manque d’habitude rend le retour aux affaires un peu difficile.
Par quoi commencer ? Retaper dans les moteurs de recherche certaines phrases dites par Nicolas, la voix de Sténos (« musicologue de renom » ; « l’un des plus grand spécialiste des musiques d’Amérique du nord » ; « organisateur d’un concours de danse country mondialement reconnu » ; « a sabordé son festival il y a quelques années » ; « pour Breizh cowboys magazine »).
En négliger une partie (« n’a pas le téléphone » ; « une connaissance d’un journaliste local qui travaille parfois pour nous » ; « A ta disposition » ; « 12 000 signes »).
Ah, et la réservation des trains ? Et comment faire pour rejoindre ce bled ? Une société de taxi ça se trouve là-bas ?
Et combien ça va me couter ?
Et le défraiement, j’ai complètement oublié de demander ce qu’il en était du défraiement. Je le rappelle… plus tard. Oui, plus tard.
D’autant que c’est, à une grosse vingtaine minute de retard près, l’heure d’aller chercher ma progéniture dispersée.
Sortir du peignoir râpé et encore trempé d’une sortie de bain précipitée, peignoir qui fait si bonne impression aux divers démarcheurs et donne au rictus de monsieur Orgemou ce qu’on appelle, je crois, un air entendu.
Passer des vêtements propres dont on se rendra compte sur le trajet vers la crèche qu’ils sont suffisamment éloignés de ceux du matin pour que saute aux yeux du personnel que le père de MaPrincesse est encore venu déposer sa fille tout chaud de sa sueur nocturne.
Regarder davantage sa montre que le trajet et passer près d’un capot bleu pétrole lancé à la cinquantaine de kilomètres/heure réglementaires par un gros chauve en chemisette hawaïenne que le regard se voulant courroucé DuPaf ne semble pas bouleverser outre mesure.
Débiter, en poussant la dernière porte barrée de six digicodes les habituelles excuses à propos de ce retard qui ne se renouvellera pas.
Répéter ces dernières à la grille de l’école.
Rentrer au plus vite chez soi avant que les enfants, enfin la plus petite d’entre eux, ne vexe durablement l’un de ceux qu’elle décrit de sa poussette, regarde, papa, la madame elle a de la moustache. Regarde papa, le monsieur il est gros, regarde papa, le monsieur, il a plus de cheveux, regarde papa, la madame, elle est vieille.
Ne pas croiser les regards et conduire la poussette à travers la foule le plus vite possible.
Les enfants, demain on prend le train, papa doit rencontrer un très vieux monsieur pour son travail, vous serez très sages n’est-ce pas ?
Et LePaf semble y croire, ce qui lui permet, un peu délesté de ces inquiétudes dont il s’accable tout seul, de valider ses billets de trains, d’appeler la société Taxis Chalouni et ses trois taxis pour vous servir avant d’annoncer la bonne nouvelle à une ChèreEpouse ravie ne manquant pas de souhaiter courage pour le trajet, inspiration pour le travail et fermeté pour la demande de défraiements. Le temps de ne pas trouver davantage d’informations sur Yvon Jezequiel et LePaf part pour une bonne nuit dont nous ne parlerons pas pour nous intéresser au lendemain matin quand, dans un hall de gare où LePaf occupé à diriger sa progéniture vers la bonne voie tout ou louchant d’un air inquiet vers les Famas déchargés des militaires en molle patrouille ne remarque pas ce monsieur gros et chauve qu’a pourtant reconnu MaPrincesse.
(A suivre)
L’après-midi est déjà bien avancée mais les différents dépôts d’enfants, courses faites, lessive lancée et intérieur briqué, frais, parfumé déculpabilisent le baigneur tardif.
Moqueuse de ce petit arrangement, une sonnerie vient rappeler qu’un bain tranquille est un bain qui se prend tôt.
Rien n’empêche de faire l’absent après tout. Bien souvent, quand derrière la porte un doigt insiste sur la sonnette, LePaf s’applique à maintenir silence et platitude d’eau dans son petit espace d’émail blanc. Et le doigt se lasse.
Comme le fâcheux du jour use du téléphone il devrait être plus facile encore de n’y pas faire attention mais quand le portable prend le relai du fixe puis le fixe reprenant ensuite c’est l’inquiétude qui monte et fait jaillir LePaf de l’eau dans une gerbe d’éclaboussures et de jurons auxquels répondent, comme toujours, les coups énervés du balai de monsieur Orgemou, ses conseils et ses reproches, tapis derrière les trop fins murs de placoplatre qui nous séparent peu.
Oui ?
L’inquiétude semble bien installée sur le visage DuPaf, confortable, là pour longtemps.
Rien à voir avec la qualité des nouvelles annoncées, plutôt bonnes, voire très, mais bien plus avec la tendance DuPaf à poser d’abord les complications dans la balance.
ChèreEpouse n’est pas là. Partie pour une de ces missions très importantes, très compliquées et très éloignées pour deux longues semaines.
Implication : pas de déplacement sans enfants, un verre d’eau parfait pour s’y noyer.
Puis, on charge un peu l’autre plateau :
C’est le premier boulot qu’on me propose depuis… ? Je ne sais même plus. Compter m’a déprimé depuis trop longtemps. Les finances le réclament, ChèreÉpouse ne me pardonnerait jamais d’avoir refusé.
Oui, bien sûr, je prends.
Au revoir. Oui, pour mardi, pas de problème.
Sur le petit carré de papier que fixe LePaf durant les cinq bonnes minutes qui suivent, sont griffonnés
Yvon Jezequiel
Spécialiste
Chemin du Trouz
29 Tremarcheg
Demain
19h30
Pas de téléphone
Le tout disposé en vrac et entouré de hachures non dépourvues d’ambition artistique visible aux yeux de l’auteur uniquement.
Du travail.
Depuis qu’il s’était exilé, superbe et orgueilleux, du travail salarié fait de collègues, machine à café et de chèques déjeuner, LePaf n’en a qu’épisodiquement retâté.
Il était parti en pensant vivre du clavier, de chez soi, à pondre des phrases que vendeur de papiers et d’écrans ne manqueraient pas de s’arracher.
Mais, soit qu’il ait surestimé les besoins en la matière, soit qu’il ait, à l’inverse, mésestimé la capacité des commanditaires à reconnaitre l’évidence de son talent, la frappe sèche et rythmée DuPaf sur l’Azerty ne ramenait que peu d’argent dans la cagnotte familiale. Un peu assez proche de rien.
A part Sténos, une agence de communication qui refourguait textes, photos ou vidéo à tout demandeur dans le besoin, une revue spécialisée dans la pêche en Bourbre ou un site d’information dédié à l’importance pour l’économie française des métiers du cuir, peaux et tannerie, les autres s’étaient spécialisés dans la commande unique et restaient fermes dans leur décision de ne pas donner suite quelles que larmoyantes ou surenjouées soient les relances Pafiennes.
Depuis la porte claquée sur son dernier open-space, il n’avait pratiqué à haute intensité que les activités de Père au Foyer.
Le manque d’habitude rend le retour aux affaires un peu difficile.
Par quoi commencer ? Retaper dans les moteurs de recherche certaines phrases dites par Nicolas, la voix de Sténos (« musicologue de renom » ; « l’un des plus grand spécialiste des musiques d’Amérique du nord » ; « organisateur d’un concours de danse country mondialement reconnu » ; « a sabordé son festival il y a quelques années » ; « pour Breizh cowboys magazine »).
En négliger une partie (« n’a pas le téléphone » ; « une connaissance d’un journaliste local qui travaille parfois pour nous » ; « A ta disposition » ; « 12 000 signes »).
Ah, et la réservation des trains ? Et comment faire pour rejoindre ce bled ? Une société de taxi ça se trouve là-bas ?
Et combien ça va me couter ?
Et le défraiement, j’ai complètement oublié de demander ce qu’il en était du défraiement. Je le rappelle… plus tard. Oui, plus tard.
D’autant que c’est, à une grosse vingtaine minute de retard près, l’heure d’aller chercher ma progéniture dispersée.
Sortir du peignoir râpé et encore trempé d’une sortie de bain précipitée, peignoir qui fait si bonne impression aux divers démarcheurs et donne au rictus de monsieur Orgemou ce qu’on appelle, je crois, un air entendu.
Passer des vêtements propres dont on se rendra compte sur le trajet vers la crèche qu’ils sont suffisamment éloignés de ceux du matin pour que saute aux yeux du personnel que le père de MaPrincesse est encore venu déposer sa fille tout chaud de sa sueur nocturne.
Regarder davantage sa montre que le trajet et passer près d’un capot bleu pétrole lancé à la cinquantaine de kilomètres/heure réglementaires par un gros chauve en chemisette hawaïenne que le regard se voulant courroucé DuPaf ne semble pas bouleverser outre mesure.
Débiter, en poussant la dernière porte barrée de six digicodes les habituelles excuses à propos de ce retard qui ne se renouvellera pas.
Répéter ces dernières à la grille de l’école.
Rentrer au plus vite chez soi avant que les enfants, enfin la plus petite d’entre eux, ne vexe durablement l’un de ceux qu’elle décrit de sa poussette, regarde, papa, la madame elle a de la moustache. Regarde papa, le monsieur il est gros, regarde papa, le monsieur, il a plus de cheveux, regarde papa, la madame, elle est vieille.
Ne pas croiser les regards et conduire la poussette à travers la foule le plus vite possible.
Les enfants, demain on prend le train, papa doit rencontrer un très vieux monsieur pour son travail, vous serez très sages n’est-ce pas ?
Et LePaf semble y croire, ce qui lui permet, un peu délesté de ces inquiétudes dont il s’accable tout seul, de valider ses billets de trains, d’appeler la société Taxis Chalouni et ses trois taxis pour vous servir avant d’annoncer la bonne nouvelle à une ChèreEpouse ravie ne manquant pas de souhaiter courage pour le trajet, inspiration pour le travail et fermeté pour la demande de défraiements. Le temps de ne pas trouver davantage d’informations sur Yvon Jezequiel et LePaf part pour une bonne nuit dont nous ne parlerons pas pour nous intéresser au lendemain matin quand, dans un hall de gare où LePaf occupé à diriger sa progéniture vers la bonne voie tout ou louchant d’un air inquiet vers les Famas déchargés des militaires en molle patrouille ne remarque pas ce monsieur gros et chauve qu’a pourtant reconnu MaPrincesse.
(A suivre)
et pourtant je t'avais bien expliqué que je ne regarde des séries que si je peux condenser toute une saison dans un we voire une nuit! comment je fais moi maintenant pour attendre jusqu'à la semaine prochaine? (furie non-dissimulée quand on me bouscule mes routines). Vivement le prochain épisode, j'ai hâte de découvrir la suite, ce premier m'a bcp plu. Chapeau, Monsieur! (voire même plusieurs)
RépondreSupprimerJe te présente mes excuses et mes remerciements (vifs, sincères, chaleureux, etc.).
RépondreSupprimerfiction makes perfect.
RépondreSupprimerMademoiselle est trop bonne.
RépondreSupprimerCe sont les lapins qui ont été étonnés...
RépondreSupprimerDepuis si longtemps qu'ils voyaient la porte du blog fermée, les murs et la plate-forme envahis par les herbes, ils avaient fini par croire que la race des paf était éteinte... et puis voilà qu'il renait de ses cendres et quelle renaissance.. j'adore ! et dire qu'il faut encore attendre jusqu'à demain pour avoir la suite....Le personnage est attachant dès les premières lignes, il y a du suspens, on en redemande...
On essaiera de ne pas trop vous décevoir par la suite, les lapins.
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