ChèreEpouse détend maintenant tout à fait son visage.
Le premier soulagement ne date pas de ce moment d’exquise mais brève coïncidence entre un instant de liberté dans un emploi du temps que de grosses responsabilités ont chargé jusqu’aux interlignes et l’arrivée en gare de Montparnasse de sa tribu perdue puis retrouvée.
Un message laissé sur son répondeur quelques heures plus tôt l’avait déjà heureusement délestée de cet immense poids d’inquiétudes que certains parmi ses collègues les plus proches commençaient tout juste à percevoir derrière la constance souriante de la professionnelle ayant toujours l’entièreté des ses capacités à disposition.
Mais dans cet entre-deux de réunion, il y avait la joie de parler à chacun, de s’assurer que, DuPaf à MaPrincesse, tous allaient bien. D’étancher une partie de sa curiosité au flux discontinu du récit à quatre voix et dont les mystères susciteront très vite, dès les premières secondes de repos que peuvent offrir à son esprit cette vie de réunions suivies d’autres réunions au sujet des réunions immédiatement passées, susciteront, donc, d’autres questions, d’autres inquiétudes.
Il est d’ailleurs temps de raccrocher.
Elle rappellera plus tard, difficile de savoir quand exactement.
Ce soir après le repas mais on ne sait jamais combien de temps celui-ci peut durer. Mais tu ne dormiras pas n’est-ce pas ? Et on pourra rester longtemps.
Dans une mission de ce standing où la corvée à merci s’adoucit au luxe d’un endroit dont on ne profite pas et du tous frais payés qui permet, pour une fois, à ChèreEpouse de relâcher le permanent regard à la dépense qui fait l’ordinaire de sa vie de cheffe de famille.
Alors ce soir, la longue conversation se fera depuis le téléphone de l’hôtel.
Comme ce coup de fil d’ailleurs, qui étant passé d’une des nombreuses salles de conférence que l’établissement propose, ne grèvera pas le budget familial et devrait offrir une qualité de transmission rare lors des déplacements de ChèreEpouse.
Mais sur ce dernier point, justement, ça pèche un peu : de l’écho, des grésillements, des décalages de temps. Voilà qui est peu en accord avec le standing du multi étoilé. Si elle avait dû payer, elle aurait vu là un sérieux motif à ristourne qu’elle utilisera peut-être néanmoins, juste pour le plaisir sportif d’un petit marchandage.
Mais il faut vraiment raccrocher, comme le lui rappelle UnPaf qu’un dernier client sépare désormais de la caisse du fast-food où l’attend cette demoiselle qui serait sans doute jolie si l’attifaient d’autres vêtements que ceux fournis par son employeur et qu’on devine conçus pour mettre le moins en valeur possible les courbes de quiconque est à peu près harmonieusement formé.
De multiples répétitions sur le court chemin qui sépare le quai de gare du restaurant auraient dû lui permettre de débiter d’une voix sûre et à l’articulation distincte la commande pour quatre. Mais un employé armé de balai serpillère lui passant devant juste à l’instant de commander réduit en débris cette studieuse préparation. Et tandis que LePaf bafouille et s’y reprend à plusieurs fois l’homme balai entame sans honte ni remords son tour de nettoyage qui sera dûment noté sur le registre à droite en entrant quand on arrive de l’intérieur de la gare.
Tâche automatique, libre d’implication qu’il pratique tous les jours, quatre fois par jour, comptant les tables, dans un ordre strict et immuable tout en pensant à son dernier examen universitaire dont il n’est pas très satisfait. Poussant les pieds des clients sans agressivité mais sans plus d’excuses clairement formulées à l’exception d’un effort particulier pour ceux de l’avant-dernière table toujours occupée, depuis les déjà six mois qu’il a revêtu l’inélégant habit par les quatre même personnes perfectionnistes de l’habitude au point de s’y placer de la même façon, à la même heure et peu ou prou habillées de la même manière..
Leur départ des lieux étant lui aussi réglé dans sa chorégraphie et son ordre rigoureux.
Passée la demi-heure – 13h30-14h – de leur conversation en langue inconnue par le jeune universitaire pourtant locuteur de quatre langues européennes, ils quittent l’endroit dans le même immuable tour à tour.
Le robuste dégarni d’abord.
Toujours vêtu d’un cuir brun et élimé on l’imaginerait bien porter dessous le genre de débardeur taché de sang par une heure trente d’héroïques castagnes et catastrophes cinégéniques.
Une rude virilité soulignée par un port de lunettes fumées sur des montures en métal doré couvrant un bon tiers de son visage.
C’est vers la sortie extérieure qu’il se dirige, tirant de sa veste une cigarette sur fumoir qu’il allume dès les premières marches avant même d’avoir poussé la porte.
Ensuite c’est le géant au crâne lui aussi semi-nu mais pourvu sur la nuque d’un long filet d’une chevelure blonde dispersée en tentacules humides de graisse.
Adepte du cuir comme son devancier à ceci près que la couleur vire cette fois au pourpre et que la forme plus longue, dite trois quart, laisse des rebords ouverts former comme des parenthèses autour d’un quintal au bas mot.
Puis se lève un quinquagénaire à lunettes, gris de crin court et qu’on imagine plutôt maigre dans ses amples vêtements à la mode chinoise bretonnisés d’un lourd triskèle en pendentif.
Enfin ferme la marche, toujours, se levant du pied gauche, toujours, le sombre moustachu.
T-shirt à col montant entre le rouge et le jaune suivant les jours et l’éclairage sous une veste en tweed rapiécée aux coudes.
Deuxième de la bande des quatre à arborer des verres fumés, il a, lui, privilégié les montures plastiques, imitation écailles assombrissant davantage une peau soumise à une pilosité brune, dense, drue et trop vivace pour se tenir longtemps tranquille après le passage du rasoir.
Distributeur des tours de paroles à coups d’index pointé.
Aucun ne salue les autres en partant ou ne repasse par la table une fois son plateau vidé dans la poubelle et empilés avec les autres salis.
Prêt à vérifier l’immuable répétition du manège tout en entamant le dernier quart de son troisième tour de ménage de la journée, le jeune homme au balai se verra interrompu dans sa rêverie rituelle non par le manager qui le trouve souvent trop lent et pas assez appliqué, mais par un bruit de sirène sur une annonce grésillante et anxieuse diffusée dans le hall de la gare.
Puis c’est une foule qui se met en branle, d’abord mollement puis avec plus de vitesse et de cris et vient pour partie remplir jusqu’aux limites de la respiration le débitant de burgers et soda.
Une alerte à la bombe.
Pris par la masse de curieux se pressant contre les parois vitrées, LePaf et juniors, les ventres lestés d’une nourriture qui, comme il est annoncé, fut vite mangée, assistent d’assez bonnes places aux premières actions des hommes en uniformes qui arrivent.
Seule MaPrincesse tourne la tête vers un autre spectacle avant d’en vouloir faire profiter son père en l’alertant sur la présence du
« Vieux monsieur ! C’est le vieux monsieur ! »
Le premier soulagement ne date pas de ce moment d’exquise mais brève coïncidence entre un instant de liberté dans un emploi du temps que de grosses responsabilités ont chargé jusqu’aux interlignes et l’arrivée en gare de Montparnasse de sa tribu perdue puis retrouvée.
Un message laissé sur son répondeur quelques heures plus tôt l’avait déjà heureusement délestée de cet immense poids d’inquiétudes que certains parmi ses collègues les plus proches commençaient tout juste à percevoir derrière la constance souriante de la professionnelle ayant toujours l’entièreté des ses capacités à disposition.
Mais dans cet entre-deux de réunion, il y avait la joie de parler à chacun, de s’assurer que, DuPaf à MaPrincesse, tous allaient bien. D’étancher une partie de sa curiosité au flux discontinu du récit à quatre voix et dont les mystères susciteront très vite, dès les premières secondes de repos que peuvent offrir à son esprit cette vie de réunions suivies d’autres réunions au sujet des réunions immédiatement passées, susciteront, donc, d’autres questions, d’autres inquiétudes.
Il est d’ailleurs temps de raccrocher.
Elle rappellera plus tard, difficile de savoir quand exactement.
Ce soir après le repas mais on ne sait jamais combien de temps celui-ci peut durer. Mais tu ne dormiras pas n’est-ce pas ? Et on pourra rester longtemps.
Dans une mission de ce standing où la corvée à merci s’adoucit au luxe d’un endroit dont on ne profite pas et du tous frais payés qui permet, pour une fois, à ChèreEpouse de relâcher le permanent regard à la dépense qui fait l’ordinaire de sa vie de cheffe de famille.
Alors ce soir, la longue conversation se fera depuis le téléphone de l’hôtel.
Comme ce coup de fil d’ailleurs, qui étant passé d’une des nombreuses salles de conférence que l’établissement propose, ne grèvera pas le budget familial et devrait offrir une qualité de transmission rare lors des déplacements de ChèreEpouse.
Mais sur ce dernier point, justement, ça pèche un peu : de l’écho, des grésillements, des décalages de temps. Voilà qui est peu en accord avec le standing du multi étoilé. Si elle avait dû payer, elle aurait vu là un sérieux motif à ristourne qu’elle utilisera peut-être néanmoins, juste pour le plaisir sportif d’un petit marchandage.
Mais il faut vraiment raccrocher, comme le lui rappelle UnPaf qu’un dernier client sépare désormais de la caisse du fast-food où l’attend cette demoiselle qui serait sans doute jolie si l’attifaient d’autres vêtements que ceux fournis par son employeur et qu’on devine conçus pour mettre le moins en valeur possible les courbes de quiconque est à peu près harmonieusement formé.
De multiples répétitions sur le court chemin qui sépare le quai de gare du restaurant auraient dû lui permettre de débiter d’une voix sûre et à l’articulation distincte la commande pour quatre. Mais un employé armé de balai serpillère lui passant devant juste à l’instant de commander réduit en débris cette studieuse préparation. Et tandis que LePaf bafouille et s’y reprend à plusieurs fois l’homme balai entame sans honte ni remords son tour de nettoyage qui sera dûment noté sur le registre à droite en entrant quand on arrive de l’intérieur de la gare.
Tâche automatique, libre d’implication qu’il pratique tous les jours, quatre fois par jour, comptant les tables, dans un ordre strict et immuable tout en pensant à son dernier examen universitaire dont il n’est pas très satisfait. Poussant les pieds des clients sans agressivité mais sans plus d’excuses clairement formulées à l’exception d’un effort particulier pour ceux de l’avant-dernière table toujours occupée, depuis les déjà six mois qu’il a revêtu l’inélégant habit par les quatre même personnes perfectionnistes de l’habitude au point de s’y placer de la même façon, à la même heure et peu ou prou habillées de la même manière..
Leur départ des lieux étant lui aussi réglé dans sa chorégraphie et son ordre rigoureux.
Passée la demi-heure – 13h30-14h – de leur conversation en langue inconnue par le jeune universitaire pourtant locuteur de quatre langues européennes, ils quittent l’endroit dans le même immuable tour à tour.
Le robuste dégarni d’abord.
Toujours vêtu d’un cuir brun et élimé on l’imaginerait bien porter dessous le genre de débardeur taché de sang par une heure trente d’héroïques castagnes et catastrophes cinégéniques.
Une rude virilité soulignée par un port de lunettes fumées sur des montures en métal doré couvrant un bon tiers de son visage.
C’est vers la sortie extérieure qu’il se dirige, tirant de sa veste une cigarette sur fumoir qu’il allume dès les premières marches avant même d’avoir poussé la porte.
Ensuite c’est le géant au crâne lui aussi semi-nu mais pourvu sur la nuque d’un long filet d’une chevelure blonde dispersée en tentacules humides de graisse.
Adepte du cuir comme son devancier à ceci près que la couleur vire cette fois au pourpre et que la forme plus longue, dite trois quart, laisse des rebords ouverts former comme des parenthèses autour d’un quintal au bas mot.
Puis se lève un quinquagénaire à lunettes, gris de crin court et qu’on imagine plutôt maigre dans ses amples vêtements à la mode chinoise bretonnisés d’un lourd triskèle en pendentif.
Enfin ferme la marche, toujours, se levant du pied gauche, toujours, le sombre moustachu.
T-shirt à col montant entre le rouge et le jaune suivant les jours et l’éclairage sous une veste en tweed rapiécée aux coudes.
Deuxième de la bande des quatre à arborer des verres fumés, il a, lui, privilégié les montures plastiques, imitation écailles assombrissant davantage une peau soumise à une pilosité brune, dense, drue et trop vivace pour se tenir longtemps tranquille après le passage du rasoir.
Distributeur des tours de paroles à coups d’index pointé.
Aucun ne salue les autres en partant ou ne repasse par la table une fois son plateau vidé dans la poubelle et empilés avec les autres salis.
Prêt à vérifier l’immuable répétition du manège tout en entamant le dernier quart de son troisième tour de ménage de la journée, le jeune homme au balai se verra interrompu dans sa rêverie rituelle non par le manager qui le trouve souvent trop lent et pas assez appliqué, mais par un bruit de sirène sur une annonce grésillante et anxieuse diffusée dans le hall de la gare.
Puis c’est une foule qui se met en branle, d’abord mollement puis avec plus de vitesse et de cris et vient pour partie remplir jusqu’aux limites de la respiration le débitant de burgers et soda.
Une alerte à la bombe.
Pris par la masse de curieux se pressant contre les parois vitrées, LePaf et juniors, les ventres lestés d’une nourriture qui, comme il est annoncé, fut vite mangée, assistent d’assez bonnes places aux premières actions des hommes en uniformes qui arrivent.
Seule MaPrincesse tourne la tête vers un autre spectacle avant d’en vouloir faire profiter son père en l’alertant sur la présence du
« Vieux monsieur ! C’est le vieux monsieur ! »
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