Bonjour, je m’appelle LePaf et je suis lecturopathe depuis maintenant plus de trente ans.
(applaudissements : première salve ; timide.)
Mes débuts furent, je suppose, banals.
Les histoires lues le soir qui firent pour certaines des souvenirs plus vifs que la journée qui les précédaient.
Ces dessins qui se succédaient de pages en pages et derrière lesquels on devine des mondes où s’enfouir.
Et puis on apprend à lire et on se sert dans toutes les bibliothèques, parentale, municipale ou scolaire.
Et c’est déjà trop tard…
(rumeur de soupirs approbatifs)
Le point de non retour c’est quand on est tombé sur les bons livres, à partir desquels il est toujours possible de trouver par soi-même tous les autres.
Et s’efface à mesure la frontière entre le réel et les pages. Enfin plutôt c’est le réel des pages qui l’emporte.
Et on se retrouve caché dans les endroits les plus glauques pour assouvir sa passion honteuse jusqu’à ce qu’à coups de plus en plus violents sur la porte, les parents finissent par vous faire sortir des WC.
Mais il y a pire.
Longtemps j’ai refusé de l’admettre mais nier n’est plus possible.
MonAiné emprunte la même sinistre voie que son père
Comment ai-je pu me fermer les yeux à ce point ?
Avant même de savoir lire, il aimait déjà.
Dès que ses bras eurent assez de force, allongé il les dressait, des heures durant, un livre grand ouvert au-dessus de lui.
Et maintenant, maintenant que sa chambre en est pleine, que j’en trouve sous son lit, son oreiller et même cachés dans sa housse de couette, je frémis.
Et, je n’ose vous l’avouer, il y a quelque chose en moi qui se sent fier.
J’ai honte.
(Et les applaudissements debout de soutenir LePaf effondré.)
LePaf pratique :
LePaf est riche de conseils de grand-mères.
En voici deux pour protéger les livres des outrages :
- Quand votre enfant ou votre bras maladroit fait tomber le livre dans le bain ou l’évier (mais quelle idée de lire en faisant la vaisselle aussi), vous vous retrouvez avec des pages toutes collées. Tenter de les détacher c’est risquer des déchirer. Passez plutôt votre livre au four (pas trop chaud, hein ; thermostat 3). Quelques minutes devraient suffire pour le sécher et les feuilles se décolleront d’elles-mêmes.
- Il n’est pas plus conseillé de lire pendant sa vaisselle qu’en cuisinant (à moins que vous ne lisiez une recette mais en ce cas, le lutrin est de rigueur). Mais si vous le faites quand-même ou que, par négligence hygiénique, vous tachez de gras vos pages, ni une ni deux saupoudrez d’amidon en poudre (mais enfin, tout le monde a ça chez soi). Une petite dizaine d’heures plus tard, un coup de brosse (douce) sur la page qui sous la poudre aura repris l’éclat du neuf.
Grand-mère LePaf vous souhaite un bon week-end.
J'ajouterai que la terre de Sommières est extrêmement efficace aussi (toutes taches grasses, tous supports, y compris les sacs à main et canapés que l'on croise fréquemment dans nos cuisines)...
RépondreSupprimerJe le note, merci.
RépondreSupprimerJ'éprouve une sorte de joie à massacrer les livres que j'aime : cornés, écornés, passages soulignés au feutre, tache de beurre sur telle page... Un livre impeccable dans ma bibliothèque est toujours mauvais signe...
RépondreSupprimerIl y a le même genre de vice dans ma façon de lire. Un bon bouquin ça se travaille physiquement.
RépondreSupprimer(Mais les pages collées, ce n'est quand même pas très pratique pour qui veut relire.)
Formidable ! Je suis atteinte de la même affection. Incurable, et jouissive !
RépondreSupprimerPersonnellement, après des années de thérapie, j'ai opté pour une solution radicale : je n'ai plus d'abonnement à la bibliothèque municipale.
RépondreSupprimerBon, il reste bien l'universitaire mais, privilège de doctorant, je ne suis contraint à la fréquenter que toutes les six semaines.
Mais que te reste-t-il encore comme vices ?
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