mercredi 2 mai 2012

Episode 12 : où le souvenir se fait refuge

LePaf est détendu.
A partir d’un certain niveau d’invraisemblance et d’intensité, à quoi bon se mettre le grand-père de Charlemagne en tête pour chercher des solutions, échafauder des plans d’évasion, ou même de comprendre ce qu’il fait sur ce sol humide et poussiéreux qui tacheront, à coup sûr, son fond de pantalon ainsi que ceux de sa famille à un point qu’ils seront certainement très difficile à ravoir ?

Rien, même les situations quasi cataclysmiques ne l’empêcheront donc de penser, lessive, vaisselle, serpillière et baignoire à récurer.
Pareil à ces animaux décapités qui continuent à courir en tous sens.
LePaf se mord la joue devant ce qu’il considère comme une comparaison tout à fait déplacée vues les circonstances assez hautement dangereuses tout de même.
Si si. Au moins potentiellement.

Ne pas penser, revenir à cet état d’hébétude qui l’apaisait tant tout à l’heure malgré le danger qu’on devine important sur sa propre tête autant que sur les plus ou moins blondes mais très chères détenues à ses côtés.
Laisser dériver les idées dans de libres associations aussi loin que possible.

Et quelque chose accroche ; de pas si lointain.

« Vieux monsieur ! C’est le vieux monsieur ! »
Yvon Jezequiel, dans ce fastfood alors qu’une alerte à la bombe, la curiosité, le voyeurisme et les leçons de MonAîné provoquent d’importants mouvements de masses.
A contre-courant de la plupart d’entre eux il attire à lui LePaf, ses deux bras enroulés en lianes rêches autour du seul droit DuPaf.

De leur fugace entretien, LePaf s’aperçoit qu’en sa mémoire Yvon s’était résumé à trois principaux traits.
Rouge de teint, blanc de crin, et toujours ce débit en chute libre où viennent en éboulement un fracas de confessions et d’excuses.

« Je ne pouvais pas rester sans rien faire.
Mon festival, la musique, c’est vital. Pour moi et aussi pour tout ça je veux dire là-bas, chez moi.
Ce qui se joue, c’est plus le loisir ou même l’art. C’est l’air qu’on respire, c’est nous même. Je veux dire tout le monde.
Enfin au moins là-bas.
Pour l’instant…

Mais si tu n’as pas d’argent tu ne peux rien faire.
Alors il faut avoir de la ressource. Chercher ailleurs.
Les subventions on va les chercher tout seul. Avec les dents s’il faut.

C’est mon copain Yahto qui a trouvé un truc.
Une combine à lui mais qui pouvait devenir un vrai gros truc.
Yatho Glaz, c’est un indien.
Un vrai.
Cherokee.
Je l’ai fait venir ici avec son groupe il y a quelque chose comme vingt ans. Oui, je crois que c’est ça, vingt ans.

Euh….

Ah oui.
Yahto pouvait nous faire gagner de la caillasse, plein, vu que je connaissais des gens, enfin, mon frère surtout.

Alors ça commençait à marcher. Les affaires hein.
Enfin les premières.
Des rentrées mais pas de quoi remonter le grand truc.
Celui qui est important avec les musiques, les danses, les décors et puis un discours aussi.
Une pensée.
Quelque chose qui fasse revenir la vie ici, je veux dire là-bas et puis envahir tout ensuite.

Ça, mon frère il était d’accord. Mais c’est le pognon qui est devenu le problème.
Il pensait qu’on pouvait en avoir plus. Beaucoup.
Vital !
C’est lui qui le disait.
A voir la guerre partout, comme lui, l’argent, c’est toujours plus.
Le nerf.
C’est ce qui se dit, j’imagine que c’est vrai.
Mais… La guerre partout ?

Punaise !
La guerre partout !
Vous voyez comment ils pensent, lui et les autres, là ? »


Comme refuge on eut pu trouver mieux, vous l’avouerez.
Parmi le stock de souvenirs à disposition DuPaf, même sans fouiller beaucoup, on aurait facilement pu trouver plus agréable, plus réconfortant.
Mais il s’en contentait au point qu’il s’y serait bien baigné plus longtemps encore si leurs hôtes aux si brutales manières ne s’étaient décidés à descendre à la cave.

Attirés par des pensées communes, sans doute.
Car eux aussi avaient têtes et bouches pleines des Jezequiel, sujet d’une conversation de houle et d’angoisse dont on peut penser que l’épilogue se jouera au sous-sol, là ou la terre est humide, salissante aux vêtements des otages.
Des deux frères bretons, c’est André qui fut le plus cité. André leur camarde de lutte, leur chef pour ainsi-dire, craint et respecté.
Craint, surtout.
Avant tout.
Mais ce n’est pas avec des agneaux qu’on fera couler le sang suffisant pour libérer la Bretagne.
Comme il disait.
André.

Dans toutes les têtes.
Même à quelques méridiens et bien plus de parallèles de là.

Écrasée entre le cuir de la jeep et la chaleur à ce point forte qu’elle devrait se consumer elle-même, ChèreEpouse se retient de soupirer ses agacements devant ce garde du corps vantard, vulgaire, méprisant et brusque qu’on imaginerait sans peine fouetteur compulsif d’esclaves harassés par les travaux de canne à sucre.

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