mercredi 14 mars 2012

Episode 6 : où on passe d'un double sourire à une triple joie

LePaf baisse les yeux vers le gobelet.
Dans le disque noir qu’y forme le café de distributeur se reflètent, sujets aux déformations ondulées, son visage fatigué et celui plus souriant du policier venu le servir.

Un sourire dédoublé qui parvient à détendre un peu le corps crispé DuPaf.
On peut le voir à ce poing qui desserre très légèrement les rebords de la couverture qui lui couvre les épaules depuis maintenant une heure.
Quand ils sont rentrés dans l’église, le policier au gobelet en avait alors quatre, pliées avec soin et régularité, sur ses deux avant-bras tendus, avant, sans un mot, d’une par une les déposer sur les épaules de chacun des membres de la famille.

A y repenser, LePaf trouve qu’il y a quelque chose de réconfortant dans cette réalité qui colle aux clichés télévisuels.
Peut-être aurait-il même apprécié que quelqu’un appuie sur sa tête au moment de le faire rentrer dans la voiture. Histoire de parfaire la scène. Mais personne n’y a pensé. Peut-être que c’est un traitement réservé aux gens menottés.
Il faudra vérifier ça.

Il pourrait demander maintenant, mais outre qu’il n’oserait sans-doute pas en temps ordinaire, là, bien calé dans sa chaise en plastique, se sentant à l’abri derrière les fines parois qui forment comme un trois quart de bureau à mi hauteur autour de la table à deux chaises, il préfère écouter l’homme en uniforme remettre un peu d’ordre dans son histoire récente.

Une chance que vous ayez finalement réussi à nous joindre. C’est qu’il n’y a pas beaucoup de réseau dans le coin. Et puis quand il y en a, ça va, ça vient.
Ça revient pas souvent, notez.
Bon, pour le moment, il est impossible de vérifier qui est cet officier Delage.
C'est-à-dire que les communications entre les différents services ne sont pas toujours faciles-faciles, voyez.
Et puis, comme ils nous prennent pour des ploucs là-bas, je les vois mal nous débiter toute l’histoire surtout si ça remonte jusqu’à des gens importants comme vous l’avez dit tout à l’heure.
Mais c’est vrai qu’on nous a posé des questions sur Yvon, il n’y a pas longtemps.
Enfin je crois.
Il faudrait voir ça avec mon collègue mais là, il n’est pas là à cause du congé qu’il a pris, voyez.

C’est sûr qu’il est bizarre Yvon, genre un peu artiste, voyez.
Mais il n’est pas méchant.
Bon, il s’en met plein dans le cornet, il insulte les gens tout ça, mais c’est surtout parce qu’il n’a pas digéré que ses soirées dansantes de cow-boys, là, elles ne se fassent plus.
Des trucs avec plein de monde, il ne faut pas croire.
Déjà qu’avant on le ramassait souvent dans le fossé, mais alors depuis…

Après, son frère André, alors lui, lui, c’est un type à éviter c’est sûr.
Si c’était des copains à lui l’autre jour, chez Yvon, alors l’officier, là, et ben il a bien fait de vous envoyer en haut.
Parce que André et ses potes, ça ne rigole pas.
Il a fait partie des indépendantistes.
Mais pas ceux qui écrivent breton sur les panneaux routiers et les murs de mairie.
Non, plutôt genre ceux qui fricotent avec les Basques, les Irlandais et puis les mafieux aussi.
Avec des explosifs, des mitraillettes, des trafics en veux-tu en voilà et tout le tintouin.
Enfin, voyez quoi.
Je ne sais pas ce que le collègue qui vous suivait il a raconté aux autres mais si il a réussi à les faire partir de la maison, c’est du bon boulot je dis.
Enfin je suppose qu’on en saura plus dans les prochains jours.
Ou peut-être pas, remarquez.

Bon, de toute façon, tout ça, ce n’est plus pour vous, hein. On va vous conduire à la gare et puis vous pourrez rentrer.



Ainsi, tout semble reprendre sa place.
Ces aventures encombrantes vont enfin changer de main comme un paquet qui aurait perdu sa route et retrouverait ses vrais destinataires.
Et LePaf se dénoue davantage

Il jette une œil sur les enfants immobiles et sages devant ce qui peut parfois être la meilleure baby-sitter du monde, un immense poste de télévision.
Ces visages attentifs et béats sous les couleurs changeantes du poste à plasma, achèvent de le faire revenir à un niveau de tranquillité qu’il n’avait sans doute pas connu depuis son dernier bain moussant.
C’est vrai qu’ils sont mignons, qu’ils ont l’air aux anges.
Surtout MonTerrible, radieux tout à sa triple joie d’être au milieu d’uniformes et d’armes à feu, devant une télévision sans même l’avoir réclamé et d’avoir, ni vu ni connu, réussi à augmenter sa collection personnelles de quelques magnifiques objets trouvés dans l’église.

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