mercredi 8 février 2012

Episode 2 : où il est question du Far-West, de l'Everest et de tartines beurrées

MaPrincesse se hausse tant qu’elle peut.L’index pointé entre deux appuie-têtes de sa place carré TGV,elle chantonne : «  Le Gros monsieur, Le gros monsieur »

Mais LePaf ne peut y prêter attention, tout occupé qu’il est à courir du fauteuil 76 où MonAiné explique à un monsieur tout ridé que, déplié, son visage pourrai s’étendre à l’infini tant il a de plis dans ses plis et le fauteuil 14, où MonTerrible propose à un militaire en tenue semi-civile de se disputer les faveurs d’une demoiselle à la majorité imminente ou récente sur une course à cloche pied jusqu’au wagon cafétéria.
Exercice de diplomatie ne laissant pas de temps pour l’étude attentive et professionnelle du dernier numéro de Breizh cowboys magazine acheté en même temps qu’un vaste échantillon de journaux plus côtés qu’un tenace vouloir plaire a amené LePafa présenter au caissier du relai presse de la gare Montparnasse.

S’ensuivent :
Une tournée de bras de fer,un débat sur l’incapacité des gens en trois dimension à se cacher aussi efficacement que les habitants d’un monde réduit à deux, une contrariété très bruyamment exprimée à propos de l’ordre dans lequel il aurait fallu distribuer les sandwichs, le tout assaisonné d’une grosse poignée de conseils peu amènes quant à la meilleure façon d’éduquer ses enfants.

Ingrédients en doses suffisantes pour que les autres « gros monsieur » passent autant inaperçus qu’est devenu gros le soulagement DuPaf arrivé posant enfants et bagages sur le dernier quai du parcours.

Au-dessus de sa pancarte en carton crayonnée du nom DuPaf, le chauffeur de taxi, sans doute soucieux de ne pas trop dépayser le Parisien en exil, arbore ce qui se fait de plus taciturne en matière de gueule.
Du moins, le croyait-on car il réussit à s’assombrir encore en apercevant la tribu de son client.

-    Pas de fauteuil enfant !
-    Pardonnez-moi ?
-    Pas de fauteuil enfant ! Pas le droit de prendre d’enfants sans fauteuils enfants. Et j’ai pas de fauteuils enfants !

Dans le brouet de grognements émerge une plainte sur la course perdue. Une portière qui claque, le moteur qui s’éloigne et le vide qui saute aux yeux DuPaf.

La gare, grand abris-bus en béton armé peint en jaune pâle et vieux, ne contient que des volets de fers descendus sur des guichets.
D’un côté les voies de chemin de fer, de l’autre un rond de gravier de taille à laisser les taxis et autres véhicules faire demi-tour avant de prendre l’une ou l’autre direction de la route qui part en longues lignes droites de part et d’autre DuPaf désespéré.

On s’attendrait à voir passer devant lui des boules de ronces ballotées dans un air d’harmonica mais il n’y a que des sacs plastiques, poursuivis par trois enfants braillards dans un vent qu’alimente le soulagement DuPaf maintenant tout dégonflé, misérable et pendouillant.


Ne pouvant même plus se demander « que faire »LePaf fait ce qu’il fait toujours fait dans ces cas-là.
Il appelle ChèreEpouse
Perché sur une borne kilométrique voisine, seul endroit du périmètre où une petite barre de connexion apparait sur son portable :


Loin, très loin, passée la barre de l’équateur, ChèreEpouse, s’est absentée d’une grande table ovale entourée de messieurs portant cravate et cernes de nuits blanche. D’une main elle pianote sur un ordinateur, délivrant l’itinéraire de sortie de crise au Paf qui mémorise comme il peut, le trajet jusqu’au bistrot le plus proche.
Puis harnaché, trainant de ses deux mains valise à roulette et sacs en bandoulière, cabas et portée d’enfants, il se voit en sherpa derrière George Mallory à la conquête de l’Everest en juin 1924, poussant en héros, une demi-heure après l’ascension de la borne, la porte d’un bistrot que le décret no 2006-1386 du 15 novembre 2006 relatif à l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif n’a jamais trouvée–il n’avait probablement pas de ChèreEpouse pour l’aider.

Il faut maintenant augmenter ses notes de frais des deux ou trois pintes qui serviront à se mêler à la population de l’endroit, pendant ce temps qu’une dame prend sous son aile les trois enfants et les gave de tartines beurrées trempées dans un chocolat chaud vite brillant de centaines d’yeux en grappes.
On est à peine passés au tutoiement qu’un porteur de banane, rouflaquettes et veste en jean bleu clair tirant sur le blanc trame propose d’amener nos quatre parisiens au domicile de cette vieille bique d’Yvon dont l’évocation, à en croire l’heure passée à polir ses coudes sur le zinc, est toujours une riche source de rires.

Un court passage dans une camionnette non pourvue de sièges enfants et LePaf pousse un bouton de cuivre vert oxyde qui suit immédiatement le « L » final de Jezequiel.
Une fois, deux fois, trois fois avant d’entendre une voix invitant André à rentrer.

Vous ai-je précisé que LePaf ne se prénommait pas André ?

(A suivre)

2 commentaires:

  1. ouh ouh on est mercredi... c'est pas humain de nous faire languir comme ça ! J'espère qu'il n'y aura pas interruption des programme pendant les vacances ;o)

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    1. Oui, désolé, un peu de retard.
      L'affaire de quelques heures.
      (Non, aucune interruption prévue jusqu'à la conclusion de juillet.)

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